Dans l’envers du decor de la sommellerie – Episode 3

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Source : la-table-en-fete.com

12h05

Le maître d’hôtel prend la commande de vin de la 2ème et 3ème table. Il vient me voir et me lance à toute vitesse : « Va chercher un  Meursault Poruzots Buisson-Battaut 2006 pour la 4 et un Coteau de l’Auxois pour la 7. Tu as 3 mn. »

Une petite seconde d’hésitation car ce n’est pas si simple que ça. Déjà, il faut comprendre ce qu’il vient de ma baragouiner car Monsieur déteste répéter. Ensuite, une fois compris, il faut retenir par cœur ce qu’il vient de me dire pour la même raison. Par ailleurs, il faut déterminer où se trouvent les bouteilles : dans l’armoire des vins à prendre au verre ? dans l’armoire des vins du jour ? dans le frigidaire ? dans l’armoire des Champagne où on ne trouve pas que Champagne ? ou dans la cave ?

Je finis par m’élancer, non sans que le Maître d’hôtel me demande si je comptais camper sur place. Les deux bouteilles en question étaient censées être dans la cave. Je m’engouffre dans l’index des vins. Le premier vin n’est pas dans l’index… Je le trouve néanmoins dans la petite cave isolée qui est le joker des chercheurs de vin. Le Meursault Poruzots Buisson-Battaut 2006 est dans la case 100. Pas de  chance, la case 100 est la plus grande de la cave : largeur : 2 m, hauteur : entre 1 m et 2 m. Je prends donc l’échelle. Au-dessus d’1m30, sans échelle, j’ai des difficultés… Merde, on n’y voit rien. Je vais chercher la lumière. Je passe tout en revue. Les 3 mn sont déjà écoulées… Le sésame n’est toujours pas trouvé. Je passe une deuxième fois en revue les rangées. Toujours pas… Je me résous à aller demander de l’aide au Chef qui m’avait dit qu’il ne fallait pas hésiter à avoir recours à lui dans les situations critiques. Il interrompt sa cuisine, vole à la cave, ne trouve pas le vin. Il jure. Le maître d’hôtel arrive, voyant que j’avais explosé les 3 mn. Il cherche aussi. Finalement, je les laisse tous les deux à leur quête.

12h50

En tournant en salle pour vérifier si tous les verres sont bien remplis, je m’aperçois qu’un client a son vin rouge, du Chambolle-Musigny en l’occurrence dans un verre à eau. Bizarre.  Je l’ai servi quelques minutes auparavant dans son verre à vin. 2 minutes après, le maître d’hôtel me tombe dessus :

—   « Qu’est-ce que c’est ce client qui a son Chambolle dans son verre à eau ?

—   Je ne comprends pas. »

En cuisine, j’entends la serveuse raconter que je sers du Chambolle dans des verres à eau. Les rumeurs vont vite ! Je vais voir le client en question pour lui demander si c’est moi qui ai commis ce crime de lèse-majesté. Et lui de me répondre que le maître d’hôtel lui a déjà posé la question. En fait : il a transvasé son vin du verre à vin vers le verre à eau pour le chambrer. Conclusion : j’ai été accusé à tort et autant on a fait de la publicité au jugement hâtif, autant mon blanchiment passe inaperçu…

 13h45

Les desserts commencent à être servis. Les besoins en vin s’amenuisent. Bientôt la quille ! A 14h30, le chef de rang me dit que je peux aller remplir la cave du jour et les eaux puis m’en aller. J’adore quand il me dit ça !

 14h

Sieste

18h30

J’arrive pour le dîner du personnel. Je vois le Maître d’Hôtel à la mine déconfite. En se pressant de finir la mise en place, il a cassé deux vases. Oui oui, pas un mais deux,  le strike !

18h35

Le chef de rang arrive en trombe et jette à l’assemblée des serveurs : « je vous préviens, je suis énervé ». Ca promet…  Déjà que quand il n’est pas énervé, il joue au petit chef, alors là, maxi-petit chef va sévir !

18h40

15 mn chrono pour dîner. Le fils des patrons, Pierre, 11 ans, partage le repas. Il pose un quizz à la serveuse : parmi les éléments suivants, quel est l’intrus : tomate, haricot vert, petit pois, courgette, épinards. La serveuse a beau chercher, elle ne trouve pas. Et la réponse claque comme un couperet : « C’est la tomate bien sûr qui n’est pas un légume mais un fruit ». Et après quelques secondes de réflexion : « c’est vrai que tu n’es qu’une serveuse ! ».

18h45

Le patron et la patronne arrivent. Le chef n’a pas l’air commode. Pierre le confirme : « Papa n’est pas commode ce soir, vous avez intérêt à vous tenir à carreau ! ».

19h15

Les premiers clients arrivent. Le bal commence ! On joue à guichets fermés ce soir. Je suis en salle. Derrière mon dos, j’entends le maître d’hôtel tonner : « pousse-toi, je t’ai déjà dit qu’il ne fallait pas que tu te mettes là ».

19h30

Le premier groupe arrive. Les apéritifs sont envoyés. Une fois terminés, il faudra servir le premier vin. Mais qui dit groupe dit forfaits étudiés donc faibles marges pour le restaurateur. Donc rationnement du vin. Et j’ai du mal à rationner, je suis généreux quand il faut servir du vin. « Tu sers trop haut dans le verre ! ». Soit. Mais il faut aussi étudier le moment le plus opportun pour resservir une fois le verre approchant la limite critique du vide. Et les choses ne sont pas là aussi claires qu’elles pourraient y paraître. Selon le maître d’hôtel, il faut attendre que le prochain plat arrive. Selon la patronne, il faut attendre que la majorité des vins soient vides ou presque, même si le nouveau plat n’est pas arrivé. Conséquence : quoique je fasse, je me fais engueuler soit par la patronne, soit par le maître d’hôtel…

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