
Source : Wine Data System
Lundi 2 avril, dégustation «primeurs» à Bordeaux, épisode 1
Direction un château méconnu à Pomerol, méconnu parce qu’il ne vend pas son vin en primeur par la «place de Bordeaux» constituée de quelques 300 maisons de négoce écoulant 70% de la production bordelaise, dont la quasi-exclusivité des grands crus bordelais. Les Grands Crus Classés et la «place de Bordeaux» sont particulièrement actifs pendant la semaine des primeurs puisqu’il s’agit pour les grands châteaux de vendre aux négociants leur production du dernier millésime en quelques heures ou quelques jours.
Pour permettre la dégustation des vins du dernier millésime en avril, soit à peine 6 mois après l’acte de naissance du vin dans les chais, des échantillons sont prélevés dans les barriques des chais bordelais, dans lesquels le vin est élevé pendant 12 à 24 mois. Ainsi, au bout de 6 mois d’élevage, le vin présenté n’est encore qu’un adolescent…
Le vigneron de ce château «alternatif» de Pomerol ne manie pas la langue de bois : les châteaux ne choisissent pas leur échantillon innocemment. Ils prennent évidemment les vins issus des parcelles les plus qualitatives, même si ces dernières ne représenteront qu’un faible pourcentage de l’assemblage final. Pour que le vin adolescent soit «aimable», il peut être micro-bullé : des bulles d’oxygène sont introduites dans le vin afin que le vin soit plus vite prêt à boire. Enfin, si le résultat n’est pas encore à la hauteur des espérances, des adjuvants peuvent être ajoutés dans les échantillons, comme de la gomme arabique (extraite d’acacias) qui apporte de la rondeur au vin et diminue sa sensation d’astringence. Aucun contrôle n’est soumis au Château lors de la sélection des échantillons.
Nous voilà prévenu que la vérité n’est pas toujours dans le verre… Je goûte la quasi-totalité des Pomerol présentés en «primeur». Une des caractéristiques du millésime s’impose : les échantillons, même s’ils ont été soigneusement sélectionnés, sont hétérogènes. Un bon tiers des cuvées ont des arômes végétaux (ex : poivron), signe d’une vendange pas mûre. Les structures tanniques sont fortes, engendrant parfois des sécheresses de tanins. Une dominance d’arômes «boisés» (vanille, épices) donne sur certaines cuvées un aspect séducteur au vin, au détriment bien souvent de la finesse. Le fruité ressort sur une minorité de cuvée.
Quelques vins m’ont néanmoins beaucoup plus : le château le Gay a pour moi dominé les débats par son intensité et son caractère juteux. Le château la Pointe était dans un style puissant et boisé. Le château le Bon Pasteur impressionnait par sa consistance. Le château Gombaude-Guillot avait une savoureuse fraîcheur aromatique malgré un boisé pas encore bien intégré. Vivement la deuxième journée des primeurs qui fera l’objet d’un prochain post.
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