Les primeurs du Bordelais – Episode 5

Les primeurs du Bordelais

Un des très beaux rapports qualité-prix du millésime 2011, le château Marquis de Terme http://avis-vin.lefigaro.fr/

Au Médoc ses beaux châteaux et ses vins à la renommée extraordinaire. J’étais très impatient de goûter la centaine de crus classés sur les deux jours que je m’étais accordés. Le commun des mortels entend beaucoup parler de ces vins, mais n’a pas si souvent l’occasion de les déguster, encore plus ces dernières années avec l’envolée des prix.

Pour me mettre en jambes, non, en bouche pardon, j’ai commencé par les Listrac-Médoc et les Moulis-en-Médoc qui font partie de l’Union des Grands Crus (et qui ne sont pas pour autant des crus classés). Connus pour leur «rusticité», c’est-à-dire pour leur puissance tannique pas toujours domptée avec une aromatique soutenue où le cuir est souvent présent, les vins goûtés sur ce millésime 2011 sont bien à la hauteur de leur réputation. Mention spéciale pour le château Clarke présentant un joli fruit (70% de merlot)  avec des tanins quelque peu rustiques (asséchant la bouche). Les Moulis-en-Médoc présentaient une note encore plus austère : fruit en retrait, beaucoup de mâche en bouche. Le château Poujeaux se détachait des autres pour moi, austère mais probablement issu d’une vendange bien mûre, ce qui n’était pas si évident en 2011.

Déception avec les crus en appellation Médoc et Haut-Médoc, bien que l’on montât d’un cran en terme de prix. La rusticité était aussi le maître-mot et le fruité était malheureusement rarement bien défini. La sécheresse des tanins était souvent amplifiée par l’élevage sous bois. Le Château la Lagune s’en est sorti pourtant particulièrement bien avec une aromatique sur le fruit et les épices, avec une bouche fraîche et fine se terminant par des tanins austères.

Les crus classés de Margaux présentaient pour une bonne moitié des notes aromatiques végétales. Les meilleurs crus présentaient de belles notes aromatiques de fruits noirs et de fleurs. Pour ces derniers, les bouches étaient rondes et soyeuses avec des tanins plus ou moins serrés. Brane-Cantenac était charmeur quoiqu’un peu flou aromatiquement. Cantenac Brown était charnu, long sur des notes de fruits noirs, florales et boisées. Giscours était charmeur avec une finale quelque peu asséchante. Kirwan avait à la fois beaucoup de finesse aromatique et beaucoup de mâche. Grande déception avec Prieuré-Lichine, dur en bouche. Coup de coeur pour le Marquis de Terme, complexe aromatiquement sur les fruits noirs et le floral, très fin, avec beaucoup d’énergie en bouche et se finissant sur des tanins serrés. Finalement, l’appellation Margaux s’en est plutôt bien sortie en 2011.

C’était moins le cas, le jour de la dégustation, des crus classés de Saint-Julien qui se sont montrés particulièrement austères, parés de leurs robes sombres. Quelques mythes se sont effondrés dans mon palais… Beychevelle avec de la verdeur, Branaire-Ducru franchement végétal tout comme Gruaud Larose, Lagrange et Langoa Barton austères. Léoville Barton était consistant, soyeux malgré les tannins serrés sans être bien expressif aromatiquement. Léoville Poyferré avait aussi un nez peu expressif, présentait une bouche soyeuse avec beaucoup d’énergie. Tous ces jugements sont évidemment à nuancer, ils relèvent d’une personne, à un moment donné, moment de plus très tôt dans la vie de ces vins. De plus, ils s’exercent sur des échantillons, pas obligatoirement représentatifs de l’assemblage final.

A Pauillac, le style est classique par la mâche des vins. Ainsi, Grand-Puy-Lacoste, Lynch-Bages et Pichon-Longueville Baron présentaient un profil classique et austère.  Malheureusement, encore une bonne moitié de vins présentaient des arômes végétaux. J’ai été déçu par Pichon Longueville Comtesse de Lalande en puissance et en sécheresse.

Les Saint-Estèphe proposaient logiquement une grosse structure tannique. Le niveau de maturité aromatique était très honorable pour le millésime. J’ai particulièrement apprécié la Château Phélan Ségur avec son nez fin, fruité et floral, son attaque soyeuse et sa structure tannique se déployant progressivement.

En conclusion, en 2011, il faudra être particulièrement sélectif dans son choix pour éviter les vins verts. Les meilleurs vins seront souvent assez austères dans leur jeunesse mais devraient se complexifier et s’harmoniser sur une garde prévisible assez longue grâce à leur structure tannique même si leur support alcoolique sera moins élevé qu’en 2009 et 2010. Enfin, j’étais étonné de voir une certaine complaisance dans la presse du vin pour beaucoup de châteaux illustres ; les mots «verdeur, végétal» sont quasiment inexistants dans les commentaires des primeurs. Et pourtant, quand vous goûtez 50 vins dans la journée qui ont un arôme végétal marqué, souvent de poivron (cet arôme signe les cabernets pas mûrs), votre bouche et votre nez s’en souviennent !

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