
Château de Fieuzal - Source : mcg-communication.fr
Graves et Pessac-Léognan
Certains chiffres donnent le tournis. En 2002, une bouteille de Lafite-Rotschild sortait en primeur au château à 60€ HT. En 2004, 80€, en 2008, 100€, en 2009 et 2010, 500€ (prix public pour ce dernier chez 1855 : 890€ HT). Soit, en 5 ans, une multiplication par 6 sans que l’on puisse invoquer l’augmentation du coût de la matière première ! Les Grands Crus classés bordelais, notamment ceux en haut de la hiérarchie, sont devenus en une décennie des produits de luxe et de spéculation. Il n’est plus besoin qu’il y ait une proportion entre la qualité et le prix, l’essentiel est de faire rêver. Toujours est-il que pendant ces dégustations primeurs 2011, ces crus au sommet de la hiérarchie ne m’ont pas fait rêver puisqu’ils n’ont pas présenté d’échantillon. Pour ne pas se mélanger à la vulgate ? Pour goûter les Lafite-Rotschild, Mouton-Rotschild, Haut-Brion, Mission Haut-Brion, Cheval Blanc, Ausone, Angélus, Pavie, Léoville Las Cases, Cos d’Estournel et quelques autres châteaux illustres, il fallait probablement être invité dans les manifestations «off» où journalistes, grands acheteurs et stars festoient. Et finalement, je comprends leur décision de ne pas laisser goûter au plus grand nombre : ne pas avoir un stand de dégustation à côté d’autres qui sortent d’excellents échantillons à des prix jusqu’à 20 fois moins élevés doit être rassurant !
Au château de Fieuzal, j’ai goûté les échantillons de crus classés de Graves et de Pessac-Léognan. Michel Rolland, le «flying wine-maker», y a fait une apparition, accompagné d’un aréopage du microcosme du vin. Je l’ai vu même signer des autographes à des des groupies sud-coréens !
Grande déception sur les vins blancs. La majorité des échantillons avait une acidité pas toujours bien intégrée et surtout des arômes variétaux du sauvignon qui signent immanquablement des raisins pas mûrs (bourgeon de cassis, voire pipi de chat).
Le château Larrivet Haut-Brion est pour moi clairement sorti du lot avec ses arômes floraux et fins, son boisé finement intégré, et une bouche grasse, ample et longue, presque trop chaleureuse néanmoins. En interrogeant les exposantes sur le caractère atypique du cru parmi les primeurs, elles ont mis en avant l’élevage en barriques neuves à 100% et le bâtonnage important. J’oublie souvent que l’on parle très rarement de terroir et de culture de la vigne à Bordeaux. En revanche, les pourcentages d’assemblage des cépages dans les cuvées et la technique oenologique sont de tous les discours ou presque ! Nous sommes bien loin des sauvignons de haute volée de quelques domaines à Sancerre. Si leurs cuvées sont de haute volée, c’est justement parce que le cépage s’efface au profit du terroir et du millésime qui marquent de leur empreinte chaque vin.
Les vins rouges s’en sont plutôt pas mal sortis. Le boisé était bien maîtrisé dans l’ensemble, même s’il participait à la sécheresse de certains vins. Une minorité de vins contenait des arômes végétaux. Une autre minorité de crus étaient quelque peu déséquilibrés par une trop forte structure tannique. Mais dans l’ensemble, les vins possédaient rondeur et fraicheur. J’ai particulièrement aimé le château Haut-Bailly, plein de finesse et de fraicheur même s’il terminait par une forte présence tannique. J’ai apprécié le château Larrivet Haut-Brion, juteux en bouche et le domaine de Chevalier qui avait beaucoup de mâche et des arômes presque sudistes (fruits noirs, tapenade) avec malgré tout de la fraîcheur en bouche.
Prochain post sur les primeurs de Saint-Émilion.
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